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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/298

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à sa louange, pour lesquels il lui avait promis de lui bailler cinquante écus, mais qu’il croyait que ses gens avaient restreint sa libéralité.

— Pour le sûr, c’est donc cettui-là qui fait ces vers-ci en indignation, lui dis-je alors : je connais bien le personnage, et, qui plus est, je sais qu’il s’est mis maintenant au service d’Alcidamor ; c’est lui aussi, sans doute, qui a composé l’autre pièce.

— Cela peut bien être, dit Clérante ; quand il venait ici, il ne me chantait autre ramage, sinon qu’il me rendrait immortel, si je le favorisais de quelque honnête récompense.

— Ha Dieu ! le pauvre vendeur d’immortalité, m’écriai-je, sa marchandise n’est pas de bon aloi ; les vers qu’il a faits, il n’y a pas six ans, sont déjà au tombeau !

— Si est-ce qu’il se vantait qu’il n’y avait que lui qui eût des griffes assez aiguës pour monter sur la croupe de Parnasse, me dit Clérante.

— Mon seigneur, repartis-je, quand nous mangeons quelque croûte de pain, il nous est avis que nous faisons un bien grand bruit ; mais il n’y a personne que nous qui l’entende. Ainsi en est-il de ce pauvre rimailleur ; ses œuvres ne paraissent bruyantes qu’à lui ; examinons sa pièce sans prendre garde au sujet dont elle traite, nous l’avons déjà condamnée en cela.

Après ces paroles, je montrai à Clérante toutes les fautes de la satire, et lui promis que j’y répondrais, afin d’effacer les mauvaises impressions que les courtisans pouvaient avoir à son déshonneur : d’un autre