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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/299

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côté, il s’efforça de rendre menteurs tous ceux qui l’accusaient désormais d’ignorance, et se donna deux heures le jour, pour être seul avec moi dans son cabinet, et y apprendre à discourir en compagnie, sur toute sorte de sujets, bien d’une autre façon que ne font la plupart de ceux de la cour, qui tiennent des propos sans ordre, sans jugement et sans politesse. À n’en point mentir, il avait auparavant un peu haï les lettres, et même avait blâmé quelques personnes qui s’y adonnaient, ne croyant pas que ce dût être l’occupation d’un homme noble. Mais je lui avais ôté cette imagination-là, en lui remontrant doucement que ceux qui veulent commander aux autres doivent avoir plus d’esprit, non pas plus de force, ainsi qu’entre les bêtes fauves. Au reste, pour se venger un peu du poète qui avait médit de lui, il lui fit épousseterwkt-2 le dos à coups de bâton.

Sa bonne volonté s’augmentant de jour en jour envers moi, il fut curieux de s’enquérir des commodités[1] que j’avais : je me fis encore plus pauvre que je n’étais en effet, afin de l’induire à m’assister, et je me vis incontinent prié de demeurer en son hôtel. Il m’offrait un appointement honnête, que j’acceptai, pourvu que j’eusse toujours ma franchise, et qu’encore que je lui rendisse des services, que malaisément pouvait-il espérer d’un autre, je n’eusse point la qualité de serviteur. Il me promit qu’il ne me tiendrait jamais que comme son ami : je me mets donc en sa maison, où je reçois des preuves infinies de sa libéralité, et m’assouvis entièrement de braverieswkt-2.

Je suis toujours monté sur un cheval de deux cents

  1. ndws : désigne les biens de fortune « il a marié sa fille avec un homme qui a bien des commodités » Furetière op. cit., t. I, vue 321, 4ème définition du mot.