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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/309

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bailler, il me laissera incontinent, repartit Collinet.

En disant cela, il ne lui donne rien qu’un coup de pied, qui le fait éloigner de lui, sans avoir de l’envie de le venir caresser encore, combien qu’il le rappelât doucement.

— Tous ces gens-ci qui vous viennent voir, dit après Collinet à Clérante, sont de l’humeur de votre chien : prenez-y bien garde !

Celui qui faisait alors la cour à Clérante, était-il pas bien obligé à ce maître fou, qui fut cause que son maître, sachant qu’ordinairement les insensés prophétisent, fit beaucoup d’estime de son avertissement et devint extrêmement bon ménager !

Des troubles s’élevèrent en ce temps-là en France ; Clérante fit un tiers parti avec d’autres malcontents. Collinet ne se plaisait point parmi la guerre, où l’on l’avait attiré ; il découvrait ce qu’il en pensait à Clérante, comme il sortait d’une chambre où il venait de tenir son Conseil avec des hommes d’État.

— Mon bon prince, dit-il, ces conseillers sont des personnes de robe longue, qui n’ont jamais vu les batailles qu’en peinture et par écrit. S’ils s’étaient trouvés en personne à quelqu’une, ils ne vous persuaderaient pas, comme ils font, d’éviter la paix ; ils sauraient les désolations qui arrivent à un combat : l’un a les bras coupés, l’autre a la tête fendue, quelques-uns sont foulés aux pieds des chevaux, et la plupart meurent comme enragés. Je vous le représente d’autant que je ne crois pas que vous vous soyez trouvé non plus qu’eux en ces affaires-là. Vous n’en êtes pas à blâmer ; car quelle gloire