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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/31

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tout ébaudi, la queue levée, pensant avoir trouvé la curée qu’il te faut, retourne-t’en au lieu d’où tu viens et te contente de manger les savates de ta grand’mère.

Il se figurait qu’il y avait là-dessous quelque sens magnifique de caché ; et ayant craché dans sa main, mis son petit doigt dans son oreille et fait beaucoup d’autres choses qui étaient du mystère, il crut que les plus malicieux esprits du monde étaient forcés de se porter plutôt à faire sa volonté de point en point qu’à lui méfaire. Incontinent après, il vit un homme à trente pas de lui, qu’il prit pour le diable d’enfer qu’il avait invoqué.

— Valentin, je suis ton ami, lui dit-il, n’aie aucune crainte ; je ferai en sorte que tu jouiras des plaisirs que tu désires le plus. Mets peine à te bien traiter dorénavant parmi la bonne chère. Je te promets que, si tu veux, tu feras toutes les nuits six ou sept postes sur ta monture. Il n’était pas besoin d’une si forte conjuration que celle dont tu as usé pour me faire venir à toi ; car je suis moi-même assez prompt à secourir ceux qui le méritent comme tu fais. Adieu, vis en paix avec ta femme. Je ne te demande rien pour récompense de tous les bons offices que je te rendrai.

La joie que ces propos favorables donnèrent à Valentin modérèrent la peur qu’il avait en l’âme à l’apparition de l’esprit. Enfin, comme il fut disparu, sa frayeur s’évanouit entièrement. On lui avait encore ordonné une chose à faire dont il se souvint et s’en alla en un endroit désigné pour l’exécuter.

Il lui était avis qu’il embrassait déjà sa belle Laurette ;