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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/311

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Il contemplait tantôt cette beauté, qui lui plaisait infiniment, et tantôt son maître, qui la contemplait encore davantage : il voyait que Clérante jetait les yeux de travers sur le sein de Luce afin de voir ses tétons entre la petite ouverture d’un mouchoir de col, qui lui causait beaucoup d’ennui. Collinet, le reconnaissant, prend les ciseaux d’une fille de chambre, et, s’étant approché tout doucement de Luce, il lui coupa les cordons, dont le mouchoir était attaché, et le lui ôta après. Elle se retourne pour le blâmer de son impudence, et tout aussitôt il lui dit :

— Vous avez tort mademoiselle, de cacher à monsieur ce qu’il a tant d’envie de voir ; laissez-lui regarder tout son saoul. Davantage si vous me croyez, vous souffrirez qu’il y touche.



— Vous voyez, dit Clérante, je ne manque point d’avocat ; car ma cause est si bonne, qu’il y a presse à la défendre. Néanmoins je ne suis pas assuré de la gagner, d’autant que vous êtes juge et partie.

— Si ferez-vous bien, repartit Luce, car votre avocat use de la rude violence de ses mains plutôt que de la douce persuasion de sa langue.

Clérante, qui voyait bien que Luce n’était pas contente de cette action, lui dit à l’oreille l’humeur du personnage, à qui les plus grands princes pardonnent bien d’autres excès. En un moment elle fut rapaisée, et fut très aise d’avoir l’entretien du bon Collinet, dont elle avait déjà ouï parler à plusieurs personnes. Clérante, lui en voulant donner plaisir, lui commanda de faire quelque discours pour entretenir la compagnie, qui avait