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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/314

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médaille antique de cocu, et que son nez était fait en trèfle ; il le tira à l’écart et lui dit tout bas, de peur que Clérante, Voyant, ne s’en irritât :

— Maître sot, vous contrefaites l’insensé ; si vous aviez affaire à moi, je vous ferais bien trouver votre esprit à coups de verges.

Il fallut qu’il s’en allât aussitôt ; autrement Collinet, qui entrait en fougue, lui eût fait un mauvais parti. Dès qu’il fut de retour, il me conta son aventure que j’entendais bien du premier coup, encore qu’il y eût bien du coq à-l’âne en ses discours. Je lui promis, sur ma foi, que je lui ferais tirer vengeance de son ennemi, et si je connaissais celui à qui il en avait. Tout à propos, un soir que j’étais à pied dans les rues avec mes gens, et lui aussi à ma suite, j’aperçois de loin un trésorier qui depuis peu m’avait retenu la moitié de la somme que j’avais à prendre sur lui. Pour le faire accommoder comme il méritait, je le montre à Collinet et lui dis que c’est infailliblement son homme. Lui, qui me croit, se met promptement en armes, prenant deux œufs à une fruitière, qu’il lui jette à la face, et lui en gâte sa digne rotonde, qui était redressée comme la queue d’un paon ; davantage il lui bailla un quarteron de coups de poing dans le nez, qui le font saigner comme un bœuf que l’on assomme. Je passe tout outre sans y regarder seulement derrière moi, afin que l’on ne jugeât point que j’avais part à cette folie-là. Mes laquais ne me suivirent pas de si près, ils n’avaient garde ; ils aimaient bien assister Collinet, contre qui le financier prenait le courage de se revancher ; ils assaillent l’ennemi à coups de bâton,