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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/315

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tandis que notre fou, se reposant, les regarde faire et dit :

— Vous ne me menacerez plus de me faire fouetter qu’il ne vous en souvienne, maître vilain.

Les bourgeois, qui connaissaient le trésorier, s’assemblent et sont prêts à se jeter sur mes laquais, qui, pour éviter leur fureur brutale, qui déjà leur a fait prendre la hallebarde enrouillée, disent :

— Messieurs, ce coquin a offensé ce gentilhomme de Clérante, que vous voyez.

— Oui-da, dit Collinet, je suis gentilhomme de Clérante.

Au nom de ce seigneur fort respecté, l’on s’arrête un peu, et mes gens s’écoulent doucement, laissant leur ennemi tout en sang.

Collinet me servait ainsi à punir plusieurs faquins qui se venaient plaindre en vain de lui à Clérante : car ils n’avaient autre réponse, sinon qu’il ne fallait pas prendre garde aux actions d’un insensé. Il y en eut une fois un qui lui dit, comme par réprimande, qu’il devait le tenir enfermé dans la maison, afin qu’il ne fît plus d’affront à personne dans les rues. J’étais présent alors ; et, voyant que Clérante, n’ayant pas ce discours-là agréable, songeait comment il pourrait répondre, je lui dis :

— Monseigneur, quoi que l’on vous dise, n’enfermez jamais votre fou que chacun ne soit sage ; il sert merveilleusement à combattre l’orgueil de tant de viles âmes qui sont en France, lesquelles il sait bien connaître, par une faculté que la nature a imprimée en lui.

Clérante, approuvant ma raison, méprisa l’avis que l’on