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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/322

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Par les choses qui advinrent depuis, je présume qu’elle raisonnait ainsi. Son intention ne me fut point découverte qu’une autre fois, comme je lui parlais de Clérante.

— Quoi ! Francion, me dit-elle en riant, avez-vous fait quelque vœu au ciel de ne parler jamais pour vous et de ne procurer que le bien d’autrui ?

— Non, mademoiselle, je vous en assure, lui répondis-je ; mais ce me serait une folie de viser au but où mes défauts m’empêchent de parvenir.

— Il n’y a point de lieu si élevé, répliqua-t-elle, où vous n’acquériez une avantageuse place, si vous en avez envie.

— Et si je tâchais d’atteindre jusqu’à vos bonnes grâces, lui dis-je alors, viendrais-je à bout de mon dessein.

— Ah ! mon Dieu, répondit-elle, ne parlez point de moi, il ne me faut pas mettre pour exemple ; je ne suis pas de ces merveilleuses beautés qui se rendent dignes de vous blesser de leurs attraits.

Quoiqu’elle déguisât sa volonté, je connus bien où elle voulait tendre, et lui donnai tant d’assauts qu’à la fin elle se rendit et me confessa qu’elle aurait pour moi la bienveillance que je la suppliais d’avoir pour un autre. Bien que je n’eusse point de passion pour elle, comme pour Fleurance, trouvant une occasion de jouir d’un contentement très précieux, je me chatouillai moi-même et, me faisant accroire qu’elle était plus belle qu’elle ne m’avait toujours semblé, me blessai le cœur pour elle de ma main propre.

Je la poursuivis de si près, que, me trouvant un soir