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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/323

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tout seul avec elle dans sa chambre, elle permit que je la baisasse, que je la touchasse et que je lui montrasse enfin combien était judicieuse l’élection qu’elle avait faite de moi pour être son serviteur. Depuis, quand nous eûmes le temps de recommencer ce doux exercice, nous l’employâmes avaricieusement.



Si quelque réformé m’entendait, il dirait que j’étais un perfide, de jouir ainsi de celle dont j’avais promis à Clérante de gagner la volonté pour lui ; mais quelle sottise eussé-je faite, si j’eusse laissé échapper une si rare occasion ! J’eusse mérité d’être moqué de tout le monde : mon plaisir ne me devait-il pas toucher de plus près que celui d’un autre ?

Vous pensez, je m’assure, que la jouissance que j’avais de Luce m’empêchait de songer davantage à sa gentille suivante ; mais vous êtes infiniment trompé. J’avais encore autant de passion pour elle que l’on saurait dire, et en quelque lieu que je la trouvasse je ne cessais de le lui témoigner. Son humeur rétive fut vaincue par mes soumissions et par des présents que je lui fis en secret. Néanmoins, elle ne pouvait trouver, ni moi aussi, la commodité de me rendre content ; car elle ne bougeait d’auprès de sa maîtresse.

Le ciel voulut, pour mon bonheur, qu’un jour Luce devisait dans sa chambre avec quelques-unes de ses parentes qui ne la devaient pas quitter de longtemps. J’étais entré au logis, et, ayant trouvé Fleurance sur les degrés, qui me fit monter à sa garde-robe, où je la baisai tout à mon aise. Je la jetai sur son lit et fis tant d’efforts que j’entrai en un lieu serré et étroit, où je