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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/330

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moins d’un écu qu’il lui avait promis pour sa journée.

— Je ne vous demande qu’un demi-écu pour moi et pour mon compagnon, ce dis-je ; et si nous ferons la cuisine, à quoi nous nous entendons des mieux, parce que nous avons été des premiers marmitons de Monsieur le Prince.

Nous trouvant à si bon marché par l’avis de sa femme, qui ne voulait pas faire grande dépense, il s’accorda à nous prendre. L’autre ménétrier vint incontinent, et n’y eut pas une petite dispute entre lui et moi. Il disait qu’on avait parlé à lui dès le soir précédent et qu’il était venu d’une lieue de là ; moi, je dis que je venais de huit lieues tout exprès, et qu’il y avait quinze jours qu’un certain homme, passant par mon village, m’avait retenu. Ma cause, en ce point, fut trouvée la meilleure ; et, ses arrhes lui demeurant, il s’en alla néanmoins tout déconfortéwkt.

Nous nous mîmes à travailler à la cuisine, et Clérante, qui quelquefois voulait savoir de ses gens comment l’on accommodait toutes les entrées de ses repas, eût fait de très bonnes sauces s’il eût eu de la matière : nous nous contentâmes d’apprêter tout à la grosse mode[1], selon le conseil d’un superintendant qui venait nous voir de fois à autre. En dressant les potages et le ris jaune[2], je mis dedans une certaine composition laxative que j’avais apportée.

Chacun étant revenu de la messe, l’on s’assit pour dîner et la table fut couverte. La bourgeoise était là des plus avant, parce que c’était la fille de son vigneron qui se mariait. J’eus la commodité de la regarder attentivement ; je vous confesse que je n’ai guère vu de plus belles

  1. ndws : par ironie : mal fait, à la hâte, de mauvaise grâce, cf. Oudin, op. cit., p. 350.
  2. ndws : ris de veau, cf. éd. Roy, t. II, p. 178.