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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/331

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femmes. Le repas fini, le marié et la mariée se mirent devant une table chargée d’un beau bassin de cuivre ; à chaque pièce que l’on leur apportait, comme en offrande, ils faisaient une belle révérence pour remerciement, en penchant la tête de côté. Ceux qui donnaient deux pièces d’argent étaient si convoiteux de gloire, qu’afin que l’on les vît ils les faisaient tomber l’une après l’autre. La bourgeoise présenta une couple de fourchettes d’argent ; une certaine femme du village en présenta de fer, à tirer la chair du pot, où il y avait une cuiller au bout ; une autre, des pincettes et des tenailles : si bien qu’en tout ceci il y avait la figure des cornes, ce qui était un présage très mauvais pour le pauvre Jobelinwkt. Il fut là avec son épouse un quart d’heure, après que l’on lui eût fait tous les dons, pour attendre s’il n’y en avait point encore à faire. S’étant retirés, ils comptèrent ce qu’ils avaient dépensé ; et, voyant qu’ils perdaient beaucoup à leur noce, se mirent à pleurer si démesurément, que moi, qui étais auprès d’eux, je fus contraint d’essayer de les consoler.

Le père vint dire que le seigneur lui avait accordé que toute la compagnie vînt danser à son château, et qu’ils marchassent les premiers avec le violon. J’accordai mon instrument et, jouant la première fantaisie qui me vint à l’esprit, fut le conducteur de toute la bande. Le son des cymbales ne plaisant pas à chacun, Clérante fut contraint de laisser les siennes inutiles. En marchant devant moi, il faisait des pas et des postures si agréables que, si je ne l’eusse point connu, je l’eusse pris pour le plus grand bateleur du monde. Étant dans la cour du