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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/335

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douleur. Dieu sait combien j’ai tâché de fois à la rendre bonne, en la battant dos et ventre ; mais je n’en ai pu venir à bout, encore que l’on dise que celles de son sexe soient de l’humeur des ânes et des noyers, de qui l’on ne tire point de profit qu’en les battant fort et ferme. Je suis tonnelier de mon état et je ne joue de mes cymbales que les bonnes fêtes.

« Dernièrement, ne la pouvant faire cesser de me dire des injures, je la mis à l’aide d’un mien valet dans un de mes grands tonneaux, dont je fermai après l’ouverture avec des douveswkt, de sorte qu’elle n’avait plus d’air que par le trou du bondonwkt. Je pris mon poulain et dévalai ainsi le vaisseau jusqu’en ma cave ; je le remontai et le redévalai encore par plusieurs fois, le plus vite qu’il m’était possible, afin qu’elle fût si tourmentée là-dedans, qu’elle se repentît de m’avoir offensé. Mais, tout au contraire de ce que je pensais, elle mettait quand elle pouvait, sa bouche près de la petite fenêtre de sa loge et me disait des vilenies insupportables. Enfin, je fus contraint de la laisser là passer sa colère. Sur le soir, il me vint une maudite envie de prendre avec elle mon plaisir ordinaire, auquel je m’étais tellement accoutumé, que je ne m’en pouvais passer une seule nuit sans souffrir autant de mal que si l’on m’eût brûlé à petit feu. Néanmoins, je ne la voulais point tirer du tonneau, craignant qu’elle ne me fît quelque outrage, comme elle avait déjà fait plusieurs fois pour moindre occasion :

— Baisez-moi par le trou, ma mie, lui dis-je, et puis nous ferons la paix.