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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/338

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Turquie qu’ici. Je l’ai toujours haï depuis que je le connais. Il est extrêmement vicieux, il est du tout adonné au vin et aux femmes, et fait quelquefois des actions qui dérogent grandement à sa qualité. Je prise plus mon fermier, qui vit en bon et loyal paysan comme le ciel l’a fait naître, que lui, qui ne vit pas en grand seigneur combien qu’il le soit d’extraction.

— Il ne vous déplaira plus guère longtemps, répondit l’autre. Je vous apprends en ami, avec la prière d’être secret, que ceux qui ont maintenant toute la faveur du roi Henri II qui nous régit, se sont délibérés de se défaire de sa personne sans bruit, maintenant qu’il est hors de la cour. Ils avaient envoyé ici un homme avec ce dessein-là ; mais il n’a pu éxecuter leur intention. Je ne sais s’il en aura meilleur moyen sur les chemins où il le trouvera.

Encore que celui-ci dit ces paroles plus bas que toutes les autres qu’il avait tenues auparavant, Clérante les entendit bien ; et, pour dissiper la fâcherie que lui donnait la mauvaise entreprise que l’on machinait contre lui, il alla prier un valet de lui verser à boire et dit qu’il avait de telle façon écorché sa gorge à force de chanter, qu’il était perdu s’il ne l’adoucissait en faisant pleuvoir tout du long jusqu’au réceptacle de ses boyaux. L’on lui en donna tant qu’il voulut ; et, s’étant retiré à un coin, il tira d’un bissac quelques reliquats de la noce, dont je lui arrachai goulûment de bonnes nippes. En les allant manger auprès de la fenêtre, je vis dans la cour la plus plaisante chose du monde.

C’est que la drogue que j’avais mise dans le potage,