Aller au contenu

Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/339

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
313

ayant fait alors son opération, tous ceux de la noce étaient contraints d’aller se décharger, le plus près qu’ils pouvaient, d’un fardeau qui ne pèse guère et qui est pourtant le plus difficile à porter de tous. Il y en avait qui entraient dans les écuries en serrant les fesses ; d’autres, n’ayant pas le loisir d’aller si loin, se vidaient dessus le fumier à l’endroit où ils se trouvaient. En mon absence, la jeunesse avait voulu danser aux chansons : la plupart sortaient de la danse pour obéir au fâcheux tyran qui le leur commandait. Mais la pauvre épousée, qui souffrait d’aussi violentes tranchées que les autres, parce qu’elle avait trop mangé de ris, était en une peine extrême. Elle ne croyait pas qu’il fût bienséant à elle de quitter ceux qui la tenaient par la main ; si bien qu’elle laissa couler jusqu’à terre une certaine liqueur dont l’odeur mauvaise, parvenant à la fin au nez de ceux qui dansaient, et qui avaient marché dessus par plusieurs fois, les fit regarder en terre et émut en eux une grosse dispute sur ce point épineux, savoir qui c’était qui avait fait la vilenie. Les hommes se tirèrent du pair, d’autant qu’ils alléguèrent que leurs hauts-de-chausses étaient assez larges pour contenir les excréments de plus de deux semaines sans qu’ils fussent contraints de les jeter ainsi en bas devant tant d’honnêtes personnes. Mais, chacun souffrant un même mal et se trouvant honteux de lâcher ses ordures dans la cour du seigneur, que j’avais appelé aux fenêtres avec toute la compagnie pour voir cette plaisante chose, tous ceux de la noce s’en retournèrent en leur logis l’un après l’autre, non sans recevoir force gausseries de ceux qui les voyaient danser d’autres cou-