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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/344

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le bonheur de goûter d’une si douce chose. Clérante, continuant de faire des extravagances et la trouvant toute droite au milieu de la salle, s’approcha d’elle pour pisser, comme si elle eût été une muraille ou une statue. En tenant sa main dans ses chausses pour en tirer le robinet de sa fontaine, il se laissait déjà aller la tête pour s’appuyer à elle, lorsqu’elle se recula en arrière ; enfin l’on me conseilla de le mener reposer. Je le conduisis au logis de la bourgeoise où étaient les courtines du mariage. Comme elle fut revenue, elle le fit coucher dans une petite chambre auprès de la porte et me demanda si je croyais que la raison lui revînt bientôt. Elle me parlait de cela avec une façon qui me donnait à connaître qu’elle n’était guère joyeuse de le voir ainsi assoupi, et qu’elle eût mieux aimé lui voir seulement un peu de gaillardise : voilà pourquoi je lui répondis que dans une heure il ne paraîtrait pas qu’il eût bu. Elle avait vu une bonne partie de son corps, étant entrée au lieu où il était couché, et ne cessait de me louer sa bonne mine, que l’on remarquait facilement, encore qu’il eût le visage à demi couvert de linge : ce qui me mit en la fantaisie qu’elle était beaucoup portée à lui vouloir du bien. Je le contai après à Clérante qui en fut très aise. Véritablement je ne me trompai point : car elle eut un si grand désir de voir si celui n’était point plus large que celui du bondon, qu’après que tout le monde se fut retiré chez elle, et qu’elle m’eut fait coucher dans une chambre à part, elle s’en alla sans chandelle se glisser dans le lit de Clérante, s’imaginant qu’elle prendrait son plaisir avec lui le plus secrètement du monde, parce que lui