Aller au contenu

Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/345

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
319

même ne pourrait savoir avec quelle personne il serait, n’ayant point de lumière ; et ayant encore alors l’esprit un peu troublé, il croirait le lendemain, possible, que ce serait un songe que tout ce qui lui serait arrivé.



Elle ne l’eût pas sitôt embrassé, qu’il reconnut qui elle était, et essaya de l’assouvir des plaisirs après lesquels elle soupirait tant. Sur les onze heures, l’on heurta à la porte ; incontinent elle se lève et s’y en va. Elle demande qui c’est qui veut entrer ; c’est son mari qui lui répond et qui la prie de lui ouvrir vitement, parce qu’il est fort las, étant venu de la ville tout d’une course.

— Mon Dieu ! dit-elle, ayant ouvert la porte, il vient de sortir d’ici un homme qui vous cherche partout : je lui ai dit que vous étiez à la ville, il en a pris le chemin. Il veut vous parler d’une chose bien pressée, et qui vous importe grandement, à ce qu’il dit. Ne l’avez-vous point rencontré ?

— Non, dit le mari, je suis venu par des chemins extraordinaires.

— Retournez-vous-en donc le long du grand chemin, je vous en supplie, répliqua la bourgeoise ; et vous le ratteindrez infailliblement.

Le mari, bien empêché à songer qu’est-ce qu’on lui veut, pique son cheval et s’en va. La bourgeoise, très aise que sa tromperie a réussi, va passer le reste de la nuit avec Clérante, qui avec son bâton charnel frappa mieux dedans ses cymbales qu’il n’avait fait le jour dedans les siennes, avec la vergette de fer. Mais avant que l’aurore fût levée, elle le quitta. Le jour étant venu tout à fait, son mari arriva au logis, qui dit qu’il n’avait