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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/346

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point eu de nouvelles de l’homme qui le demandait, combien qu’il se fût enquis de lui sur les chemins et dans la ville où il avait passé la dernière partie de la nuit, ce qui le mettait bien en peine.

Ayant pris congé de notre bourgeoise, nous nous en allâmes allègres et joyeux, et passâmes par devant l’hôtellerie d’où mon valet de chambre nous aperçut et partit incontinent pour nous suivre plus loin. Nous nous remîmes en la mémoire tout ce qui nous était arrivé. Clérante me conta ce qu’il avait entendu dire aux deux vieillards, dont je conjecturai que c’était son génie qui l’avait porté à se déguiser pour découvrir une si grande trahison. Je m’en réjouis grandement, joint qu’il avait eu le bonheur de coucher avec une beauté pour laquelle je ferais bien à pied cent lieues de chemin, et me transformerais en toutes sortes de façons, s’il était nécessaire.

Que ceux qui prendront pour une friponnerie ce voyage-ci de Clérante considèrent qu’il ne devait pas aller faire l’amour à la bourgeoise en ses habits ordinaires, d’autant qu’il eût fait tort à sa qualité : il valait bien mieux faire comme il fit. Il usa d’une subtile invention, en racontant l’histoire mensongère de sa femme ; car en disant qu’il venait les nuits plus de six fois aux prises avec elle, il fit venir l’eau à la bouche de la bourgeoise et lui donna des désirs en quantité. En toutes les autres choses il se comporta aussi prudemment.

Au reste, il n’y avait rien qui fût capable de lui donner du plaisir comme de s’être déguisé. Premièrement, parce qu’il avait vu des actions populaires qu’autrement il ne pouvait voir qu’avec beaucoup de difficulté ;