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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/347

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et d’ailleurs à cause qu’il était bien aise de changer pour un petit de temps de manière de vivre et voir comment l’on le traiterait s’il eût été vielleux. Lorsque les grands se veulent donner du plaisir dans une comédie, ils n’ont garde de prendre d’autres personnages que les moindres. Leur contentement est d’éprouver, au moins par fictions, ce que c’est que d’une condition la plus éloignée de la leur. Que nous sert-il de nous tenir si fermement dans la majesté des grands états, sans se résoudre à faire une démarche ? La fortune nous tire le plus souvent malgré nous hors des pompes royales qui nous environnaient et nous jette entre la gueuserie, nous réduisant à vivre sous des cabanes de boue. Il n’est que de s’accoutumer de bonne heure à être petit compagnon. Néron avait quelque chose de galant, quoique dise le vulgaire. Il s’étudiait à jouer de la guiternewkt, afin d’en gagner son pain, s’il était quelque jour dépossédé de son trône. D’un autre côté, ce n’est pas une mauvaise leçon pour les grands seigneurs que d’apprendre comment sont contraints de vivre les pauvres, pour ce que cela leur donne de la compassion du simple peuple, envers lequel ils témoignent après une humanité qui les rend recommandables.

Clérante et moi, nous eûmes toutes ces considérations-là dessus le chemin ; et quand nous fûmes arrivés au bois où nous avions pris nos méchants habits le jour précédent, nous les quittâmes pour reprendre les nôtres ordinaires, que mon valet nous baillât après qu’il nous eut atteints. Clérante, étant arrivé chez lui, mande un conseiller de ses amis, à qui il apprend que l’on a ouï