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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/348

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dire à un vieil gentilhomme de la contrée qu’il y a un homme aux environs de son château en délibération de le tuer. Le conseiller va trouver ce vieillard qu’il lui nomma, et lui assure qu’il faut qu’il dise tout ce qu’il sait de cette affaire, et que l’on l’a déjà ouï parler comme une personne qui n’en est pas ignorante. Tout ce que l’on pu tirer de lui, c’est que tout ce qu’il en a dit n’est fondé que sur le bruit commun. L’on l’interroge avec plus d’opiniâtreté et l’on apprend à la fin le lieu où pourrait être alors celui qui s’était délibéré de commettre l’assassin, dont il dépeint la façon, la stature et le vêtement. L’on y envoie, mais en vain ; ne trouvant point d’occasion de faire son coup, il s’en était allé par aventure plein de désespoir.

Le conseiller était d’avis que Clérante prît vengeance du vieillard, qui avait été si méchant que de ne lui pas découvrir les entreprises que l’on brassaitwkt-3 contre lui ; mais il n’en voulut rien faire et se douta bien que lui et son compagnon, qui avait témoigné de lui porter tant de haine, avaient reçu quelque tort à son sujet. En quoi il ne se déçut point certainement ; car, comme il apprit de son secrétaire, ses fermiers, sous son autorité, les avaient frustrés par fraude et par chicanerie d’une certaine petite somme qui leur était due, ce qui leur était infiniment sensible à cause qu’ils étaient nécessiteux. Il fit incontinent tirer de son coffre l’argent qu’il leur fallait, et le leur envoya avec prière d’être désormais ses amis. Cette courtoisie gagna entièrement leur volonté. Depuis ils n’ont fait paraître que toute affection au service de ce brave seigneur.