Aller au contenu

Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/349

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
323

Étant en repos de ce côté-là, il se remit en mémoire sa bourgeoise dont il eût bien voulu jouir encore une fois. L’amour exerçant sur lui un empire bien sévère, il fut forcé de se résoudre à tâcher de voir cette mignonne en quelque façon que ce fût. Le changement d’habits ne lui sembla pas à propos. Nous sortons avec fort petite compagnie de gens qui tiennent des oiseaux sur leur poing ; ils les laissent voler aux endroits où nous apercevons la proie, et nous donnons ainsi en chassant jusqu’à la maison aimée. Clérante y envoie un de ses gens heurter à la porte du jardin, pour faire accroire qu’il y est volé un de nos oiseaux, qu’il veut ravoir. Au nom de son maître, l’on lui ouvre courtoisement, lui disant néanmoins que l’on ne croit pas qu’il soit entré là aucun oiseau de proie. Il appelle longtemps et regarde partout, quelque chose que l’on lui dise. Enfin Clérante descendant du cheval, et moi aussi, entra au lieu où il était, pour lui demander s’il n’avait point trouvé l’oiseau. La bourgeoise, voyant ce seigneur chez elle, s’en vint lui témoigner sa courtoisie et le pria de prendre un peu de repos dans sa salle, en attendant que l’on eût rencontré ce qu’il cherchait.

Pour prendre l’occasion qui s’offrait, il lui répondit que son honnêteté n’était pas de refus, et qu’il avait beaucoup de lassitude. Nos voix étaient bien différentes de celles que nous avions prises à la noce par fiction, et nos visages bien polis ne lui étaient pas reconnaissables. Quand nous n’eussions pas eu l’artifice de les déguiser en faisant le personnage de ménétrier, elle n’eût pas alors jugé que nous étions ceux-là mêmes qu’elle avait