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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/350

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vus depuis peu de jours sous de méchants haillons et sa raison eût plutôt démenti ses yeux. Qui est-ce qui eût été si subtil que de s’imaginer la vérité d’une telle chose ? Nous étant assis, et elle pareillement, Clérante dit que l’humeur de son faucon, qui s’était égaré, lui était extrêmement désagréable, qu’il était le plus volage et le plus infidèle qu’on vît jamais. Je repartis que, quand il serait perdu, ce ne serait pas grand dommage, et que l’on en trouverait assez de meilleurs. Ainsi nous tînmes plusieurs discours en souriant, sur le faucon et la fauconnerie, faisant toujours quelque mignarde allusion sur les gentils oiseaux des dames, qui savent attraper tant de proie : ce qui fit connaître à la bourgeoise que nous étions de bons compagnons. Néanmoins elle n’osait pas encore nous donner de si libres reparties que nous l’eussions incitée à ce faire.

— Madame, lui dit Clérante en quittant mon entretien, il n’en faut point mentir : c’est plutôt le désir de vous voir que de ravoir mon faucon, qui m’a fait entrer céans.

Elle répondit qu’il lui pardonnât, si elle ne pouvait croire qu’il eût voulu prendre tant de peine pour un si maigre sujet.

— Vous vous imaginez donc, reprit-il, que je fais plus d’état de mon faucon que de vous ? C’est vous abuser excessivement ; car j’ai bien plus de raison de vous chérir que lui, vu qu’il est croyable que vous n’êtes pas si mauvaise que de frustrer votre chasseur du plaisir de la proie que vous ravissez.

— Ce qu’il y a de plus, monseigneur, interrompis-je,