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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/351

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c’est que l’on remarque une grande différence entre les faucons et les dames, à laquelle vous ne prenez pas garde.

— Quelle est-elle ? dit Clérante.

— C’est que les uns fondent de violence sur la proie, et les autres se tiennent finement dessous et néanmoins ne manquent jamais à la prendre.

La bourgeoise qui se voit attaquée si vivement, dit pour se défendre que, par sa foi, l’on ne saurait autant priser la valeur de son sexe comme elle vaut, et que ce qui empêche que l’on n’en ait des preuves notables, c’est que tous leurs ennemis sont si faibles, qu’il n’y a pas grande gloire à les surmonter.

— Quelle apparence y a-t-il aussi, Madame ? Vous avez des armes fées et enchantées comme celles qui donnait Urgande aux chevaliers errants ses favoris. Votre écu à une grande fente où nous ne cessons de fourrer nos lances et si, nous ne nous offensons point ; au contraire nous perdons toute force et notre bois, qui au commencement avait été plus roide qu’une branche de chêne, se ploie comme une branche d’osier.

— Voilà les ordinaires excuses des vaincus, qui s’imaginent toujours que leurs vainqueurs ont usé de tromperie en leur endroit, dit la bourgeoise ; vous pensez colorer votre couardise, mais vous travaillez inutilement. Hé ! pauvres guerriers, que feriez-vous si nous avions des armes offensives aussi bien que nous en avons de défensives, dont nous nous contentons pour abaisser votre orgueil ?

— Par aventure, nous serions toujours les vainqueurs, repartit Clérante. Car, en songeant à nous offenser d’un