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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/352

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côté, vous perdriez le soin de vous défendre d’un autre, tellement que vous ne gagneriez pas la bataille. Les choses étant au même état qu’elles sont, nous aurions bien la même victoire si nous la désirions et si vous méritiez la peine qu’il faudrait prendre à combattre votre mutinerie, qui vous fait plutôt subsister qu’un généreux courage. L’on en voit maintenant des preuves, en ce que vous êtes si opiniâtre que vous vous essayez de tenir tête au combat de la langue à deux champions qui peuvent facilement surmonter par la justice de leur cause, encore que vous ayez plus de fard en votre éloquence qu’eux. Pour moi, je n’aime point à combattre de paroles, j’aime mieux chamailler avec de bonnes armes et montrer de vrais effets. Si vous voulez, je vous jetterai mon gant, selon l’ancienne coutume de chevalerie, pour vous donner promesse de venir, à tel jour qu’il vous plaira, éprouver ma valeur contre la vôtre ; je prends Francion pour le juge du camp.

— Vous faites un pas de clerc, cavalier d’amour, lui répondit la bourgeoise. Vous vous rendez indigne de la profession que vous faites, puisque vous n’en savez pas garder les statuts ; vous méritez d’être châtié par votre roi, qui vous a donné l’accolade. N’avez-vous pas appris qu’il ne faut point de juge aux combats que vous désirez entreprendre, lesquels ne se doivent faire qu’en cachette ? Ne verra-t-on pas bien, par l’état auquel vous vous en retournerez, si vous serez le vainqueur ou non ?

— Vous êtes infiniment raisonnable, lui dis-je alors. Battez-vous tant que vous voudrez, je ne me viendrai point mêler de juger des coups ; l’heure vous est, ce me semble,