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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/355

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vous croyez que ce n’est pas mal fait que de s’y occuper ; et si, vous ne vous y voulez adonner que si secrètement que vous désiriez même que celui qui est de la partie n’en sache rien. Cela est fort difficile à faire ; contentez-vous de la promesse que je vous fais, de ne découvrir jamais rien de ce qui se passera entre nous deux.

La bourgeoise fut bien étonnée d’entendre ce que Clérante savait de ses amourettes, et crut qu’indubitablement il avait un esprit familier. Songeant alors à sa bonne mine et aux bienfaits qu’elle pouvait recevoir de sa part, elle se résolut de ne lui être point rigoureuse. Toutefois, elle lui dit encore :

— Vous m’accusez d’une faute que je n’ai point commise, ni ne veux point commettre à cette heure ; car la pièce que vous me demandez appartient à mon mari, j’ai promis de la lui garder.

— J’y mettrai plus que je n’en emporterai, répondit Clérante : nous devons-nous fâcher, quand un autre ensemence notre terre de son grain propre ?

— Mon mari est consciencieux, repartit la bourgeoise ; il ne voudra pas retenir les fruits qui y seront produits.

— Hé bien ! mon amie, dit Clérante, envoyez-les-moi, ils seront en bonne main.

Après ce propos, il ne trouva plus de résistance et fit d’elle tout ce qu’il voulut. Ils passèrent ensemble deux heures avec les plus savoureux plaisirs du monde ; et comme je regardais voler nos oiseaux dans une grande prairie, je vis ouvrir la porte du jardin. Je courus aussitôt vers cet endroit et arrivai lorsqu’ils s’entredisaient adieu.