Aller au contenu

Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/356

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
330

— Hé bien ! madame, monsieur est-il valeureux ? ce dis-je.

— Oui, certes, répondit-elle. Toujours la victoire sera balancée entre nous deux ; et tant que nous vivrons, d’heure en heure nous reprendrons de nouvelles forces, si bien que tantôt l’un et tantôt l’autre aura l’avantage.

Nous prîmes congé d’elle, ayant eu cette gentille conclusion, et ne cessâmes tout du long du chemin d’admirer son esprit, dont Clérante me donna encore beaucoup de preuves, me racontant tous les propos qu’elle lui avait tenus en mon absence. Je rendis grâce au ciel de la bonne fortune qu’il avait eue.

Quelque temps après, l’on lui manda des lettres pour le faire venir en cour. Il fut contraint d’y aller, malgré les serments qu’il avait faits de n’y plus retourner, et, voyant que c’était une nécessité qu’il y demeurât, je fis ce que je pus pour la lui faire trouver agréable.

Il était d’un naturel fort ambitieux, et le dessein qu’il avait eu de mener une vie privée ne dérivait que de ce qu’il n’avait pas la puissance de se mettre bien avant dans les affaires de l’État. Voilà pourquoi, ayant acquis les bonnes grâces du roi autant que pas un, il ne se soucia plus guère d’être en son particulier, et, n’aspirant qu’aux grandes charges, chérit plus la cour qu’il ne l’avait haïe ; de sorte que je me vis à la fin délivré de la peine de la lui faire paraître plaisante.

Il procurait tant qu’il pouvait mon avancement, et m’avait rendu agréable au roi, qui me connaissait dès longtemps. J’avais aidé à l’entreprise, en tenant ordinairement à ce monarque des discours où il remarquait une