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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/358

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tant plus de sagesse. Il était mutin et querelleur, et ne pouvait pas tourner en raillerie les attaques que l’on lui donnait, encore que, les ayant ouïes, il ne s’efforça pas de s’abstenir de tomber aux fautes dont il était repris. Toutes les satires que l’on composait à la cour n’avaient quasi point d’autre but que lui ; car il donnait tous les jours assez de sujet aux poètes d’exercer leur médisance. Cela lui avait fait jurer que le premier qui parlerait de lui en moquerie serait grièvement puni, s’il le pouvait connaître.

Un jour que j’étais dans la cour du Louvre, je devisais de diverses choses avec quelques-uns de mes amis, et vins à parler sur les panaches : les uns en louaient l’usage ; les autres, plus réformés, le blâmaient. Pour moi, je dis que je le prisais grandement, comme toutes les autres choses qui apportaient de l’ornement aux gentilshommes, mais que je ne pouvais approuver l’humeur de certains badins de courtisans qui se glorifiaient d’en avoir d’aussi grands que ceux des mulets de bagage, comme s’ils eussent voulu s’en servir de parasol, et qui continuellement regardaient à leur ombre s’ils avaient bonne grâce à les porter et en croyaient charmer les courages des filles les plus revêches.

— Dernièrement, j’ai appris l’histoire d’un certain amoureux qui dépensait autant en cette parure qu’en tous ses habillements, et qui néanmoins n’eut pas le bonheur d’adoucir la fierté de sa maîtresse.

Aussitôt que j’eus dis cela, tous ceux de la compagnie, ayant opinion que je ne récitais jamais d’histoire qui fût fade, me supplièrent d’un commun accord de dire celle que je savais. Je repris ainsi la parole :