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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/362

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romans que de certains amoureux s’étaient souvent pâmés en voyant leurs maîtresses, pour montrer qu’il était excessivement passionné, il se délibéra de feindre qu’il entrait en une grande faiblesse, et, en fermant les yeux et entr’ouvrant un peu la bouche comme pour soupirer, il se laissa doucement tomber sur une chaise qui était derrière lui ; puis l’on ferma les fenêtres. Incontinent sa dame, reconnaissant sa badinerie, afin de se moquer de lui, envoya un laquais en sa maison pour savoir par bienséance quel mal lui avait pris si subitement, vu qu’il semblait qu’il se portât bien lorsqu’il avait joué du luth à sa fenêtre.

— Mon ami, dit-il avec une voix faible à ce laquais qu’on avait fait entrer jusques en sa chambre, rapportez à votre maîtresse que je n’ai point de mal qu’elle ne m’ait causé.

Lorsque ceci lui fut redit, elle eut encore beau sujet de rire. La servante, voulant faire quelque chose pour notre comte, lui dit, peu de jours après, qu’elle lui donnerait moyen de discourir avec sa maîtresse et de passer plus outre par aventure, si le médecin, qui la tenait de court, allait quelque jour aux champs. Le comte, s’étant représenté que possible ce médecin serait toujours à la ville s’il ne l’en faisait sortir par quelque invention, tellement qu’il serait forcé de longtemps attendre, se résolut de prendre dans Paris quelque gueux qui fût malade et, l’ayant fait mener à une sienne seigneurie, de prier son voisin de l’aller visiter, lui faisant accroire que c’était un sien valet de chambre qu’il chérissait fort. Il trouva prou de bêlitres en délibération d’endurer que