Aller au contenu

Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/363

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
337

l’on les pansât de leurs maux, et choisit entre eux celui qui lui plut davantage. La chose se passa comme il se l’était figurée ; car l’espoir du gain, et l’occasion de prendre l’air, contraignirent le médecin à quitter sa maison ; c’était à la servante à jouer son rôlet de sa part. Elle dit à sa maîtresse :

— Vous avez tort, mademoiselle, quant à cela, de ne faire point de cas de ce beau monsieur, qui vous regarde tous les jours si piteusement. Hé ! que savou[1] s’il ne s’accordera pas à vous épouser, encore qu’il soit plus riche que vous n’êtes ? Possible voudrait-il bien vous tenir toute breneusewkt, en peine de vous torcher le cul. Permettez-lui qu’il vous entretienne en l’absence de monsieur ; vous verrez ce qu’il a dans le ventre.

Sa maîtresse voulant tirer du plaisir du comte, ne cria pas sa servante à cette-fois-ci, mais lui assura qu’elle ne serait pas fâchée d’avoir la conversation de son amant. Elle le lui fit donc savoir par son laquais, et le voilà en un moment arrivé au logis de sa dame, qu’il trouva en la compagnie de celles qui l’avaient vu se pâmer. Après les paroles de courtoisie, ils vinrent à d’autres qui ne lui plurent guère, parce que l’on lui donnait toujours quelque plaisant trait, auquel il ne pouvait point répondre. Notez que, quand il allait en compagnie, il apprenait par cœur quelque discours qu’il tirait de quelque livre, et le récitait, encore que l’on ne tombât aucunement sur le sujet ; ce qui le rendait fort ennuyeux. Je vous laisse à juger s’il avait manqué à feuilleter tous les livres d’amour de la France pour y recueillir de belles fleurs oratoires ; mais pourtant il demeurait court

  1. ndws : abréviation rustique de sçavez-vous, cf. éd. Roy, t. II, p. 214.