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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/364

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presque toujours, lorsque l’on le mettait en une matière sur laquelle il n’avait point auparavant fait des recherches. Quant est de sa passion, il n’eut pas le moyen d’en parler beaucoup à sa maîtresse et si, jamais il ne put avoir d’elle que des réponses fort froides, tellement que la peine qu’il avait prise à éloigner son père fut quasi entièrement perdue. Peu de jours après le médecin mena sa fille à une petite maison qu’il avait achetée à une demi-lieue de Paris ; et, sa vacation ne lui permettant pas d’y prendre longtemps son plaisir, il s’en retourna dès le lendemain à la ville.

La servante, ayant plus d’envie que jamais d’assister le comte, se trouvant avec sa maîtresse, lui demanda si elle n’eût pas été bien aise, à cette heure-là qu’elle était seule, d’avoir son serviteur auprès d’elle. Elle lui répondit qu’oui, entendant parler d’un brave jeune homme de sa condition, qui lui faisait l’amour ; mais la servante ne le prit pas de ce biais-là et fit tant qu’elle avertit notre pauvre amant sans parti que celle qui l’avait vaincu souhaitait passionnément sa présence. Il ne faillit pas à venir au village sur le soir ; et la servante, l’ayant fait entrer par la porte du jardin, le mena jusqu’au grenier, où elle le pria de se cacher sous de méchantes couvertures, de peur d’être vu de quelqu’un, lui promettant que, dès qu’il serait nuit, elle le viendrait querir pour le mener à sa maîtresse. En après, elle s’en alla vers elle et lui dit en riant :

— Hé bien ! il est venu, je l’ai fait cacher là-haut sous ces couvertures qui y sont.

La jeune demoiselle se douta bien de qui elle voulait