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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/365

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parler et se délibéra de prendre vengeance de la hardiesse qu’il s’était donnée de se venir cacher chez elle, comme pour ravir son honneur. Afin que la servante ne nuisît point à son dessein, sans avoir répondu que par un signe de la tête à ce qu’elle lui venait d’apprendre, elle lui donna un message à faire tout au bout du village. Quand elle fut partie, elle appela le vigneron et son fils et, leur ayant fait prendre à chacun un bon bâton, les mena dedans le grenier. Le comte, pour se donner de l’air, avait toujours eu la tête découverte, mais, au bruit, qu’ils firent en montant, il la cacha tout à fait. Étant entrés, la fille du médecin commanda à ses gens de frapper tant qu’ils pourraient sur les couvertures, afin d’en ôter la poussière. Le vigneron dit qu’il fallait donc les ôter de là et les porter à la cour pour les secouer. Mais sa maîtresse lui répondit qu’elle ne voulait pas qu’ils y touchassent seulement d’autre façon qu’avec leurs bâtons. Ayant dit cela, elle s’en retourna dedans sa chambre. Cependant, les paysans commencèrent à frapper de toute leur force sur les couvertures, qui étaient assez minces, pour ne pas garantir le comte de sentir les coups qui tombaient dru comme la grêle. Ce jeu ne lui plaisant pas, il se résolut d’y mettre fin, et, s’étant levé promptement, il jeta le fils du vigneron à terre d’un coup de poing, puis après il prit le chemin de la montée et s’en courut jusqu’au lieu où il avait laissé ses laquais, plus vite qu’un cerf poursuivi. Depuis, il n’a su à qui s’en prendre, de la servante ou de la maîtresse, et, se voyant ainsi moqué, a changé en dédain tout son amour, s’est logé loin de son ingrate et a fui davantage sa rue que