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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/366

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le chemin du gibet. On m’a dit même que l’autre jour, étant à la suite du roi, qui allait passer par là, il prit congé d’un prince qu’il s’était offert d’accompagner jusqu’au rendez-vous ; ce qui le fit estimer grandement incivil, parce que l’on n’avait pas connaissance de ses affaires.

Voilà l’histoire que je racontai. Elle ne fut pas sitôt achevée, que chacun me supplia instamment de dire le nom du comte ; je n’en fis rien, car je vous jure que ceux de qui j’avais appris cette nouvelle ne me l’avaient pas voulu apprendre.

Le comte Bajamond, ayant écouté une partie de mon discours en me regardant d’un œil sévère, de quoi je ne me pouvais imaginer la cause, s’était retiré de là. Un de la troupe, y ayant pris garde et sachant qu’il était de l’humeur vaine dont j’avais parlé, dit en riant qu’il avait quelque opinion que ce fût lui. Pour moi, j’eus à la fin une même croyance, et pourtant ne le divulguai pas. Nous ne nous trompâmes aucunement, car c’était lui à la vérité. Il me le fit paraître depuis, par la vengeance qu’il voulait tirer de moi, croyant que j’avais tort d’avoir raconté une histoire que je ne croyais pas lui appartenir.

Un soir que je venais de discourir avec une certaine dame, je fus abordé par son valet de chambre, que je ne connaissais pas pour tel, lequel me dit qu’il y avait, au coin d’une rue prochaine, un gentilhomme de mes amis qui désirait parler à moi. Voyez comme un traître sut bien prendre son temps : j’étais à pied et n’avais qu’un petit Basque de nulle défense à ma suite, d’autant que