Aller au contenu

Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/367

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
341

je venais d’un lieu où, pour n’être pas connu de tout le monde, je n’avais pas voulu aller en grand équipage.

Je ne me défiai point de lui, et marchai en sa compagnie en discourant de plusieurs choses et recevant beaucoup de témoignages qu’il était d’un bon naturel ! En passant par un carrefour, où était une lanterne selon la coutume de la ville, il jeta les yeux sur mon épée et me dit :

— Mon Dieu ! que vous avez là une garde de bonne défense ! Sa lame est-elle d’aussi bon assaut ? Que je la tienne, je vous en prie !

Il n’eut pas sitôt achevé la parole, que je la lui mis entre les mains. Il la tira du fourreau, pour voir si elle n’était point trop pesante : et, comme il en disait son avis, nous arrivâmes en une petite rue fort obscure, où je vis de certains hommes cachés sous des portes, auxquels il dit : « Le voici, compagnons, ayez bon courage ! » Incontinent ils tirent leurs épées pour m’assaillir ; et moi, qui n’avais pas la mienne pour leur résister, je donne à mes jambes la charge du salut, sans avoir le loisir de bander un pistolet que j’avais en ma pochette. Je courus si allègrement, qu’il leur fut impossible de m’attraper et me sauvai dans la boutique d’un pâtissier, que je trouvai ouverte. Quant à mon laquais, il s’enfuit tout droit chez Clérante, d’où il fit sortir les gentilshommes, les valets de chambre et les laquais pour venir à mon secours ; mais ils ne me purent trouver, ni ceux qui m’avaient assailli. Craignant d’être reconnu par mes ennemis, j’avais pris tout l’équipage d’un oublieux et m’en allais criant par les rues : « Où est-il ? » Je passai