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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/369

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que tous ceux qui avaient été à ma quête s’étaient retirés. Le suisse, à demi ivre et à demi endormi, s’en vient et demande qui c’est ; je ne lui réponds qu’à grands coups de marteau.

Madame l’a fendu que l’on fasse du bruit céans, a mal à son tête, dit-il. Si vous ne fous arrêtez pas, moi vous baillerai de mon libarde[1] dans le triquebille[2]. Pardi que demande-vous toi ?

En achevant ce beau discours, il m’ouvre la porte et je lui dis :

— Laissez-moi entrer, je suis Francion.

Ne me reconnaissant point, et croyant que je lui dise que je demandais Francion, il me parla ainsi :

— Francion n’a que faire de vous ni de vos oublies, il n’est pas céans.

Incontinent il referma la porte et s’en alla sans me vouloir entendre davantage ; tellement que, de peur de faire trop de bruit vu que la femme de Clérante se trouvait mal, ayant soufflé ma chandelle, je m’en allai faire la promenade dans les rues, songeant en quelle maison je me pourrais retirer. Car il y avait beaucoup d’hommes devant qui je n’avais garde de paraître, sachant bien qu’ils s’imagineraient que je m’étais déguisé pour faire quelque tour de friponnerie, et ne manqueraient pas à inventer là-dessus mille choses qu’ils publieraient à la cour.

J’étais profondément enseveli dans cette pensée, lorsque je fus arrêté par les archers du guet, qui me demandèrent où j’allais et qui j’étais.

— Vous voyez qui je suis à mon corbillon, leur dis-je ;

  1. ndws : hallebarde, cf. éd. Roy, t. II, p. 223.
  2. ndws : les testicules, cf. Oudin, op. cit., p. 552.