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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/370

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au reste, je m’en retourne chez moi, après avoir perdu au jeu toutes mes oublies.

Nous étions proches d’une lanterne des rues, qui leur fit voir mon visage, auquel ils remarquèrent je ne sais quoi qui ne sentait point son oublieux. Voilà pourquoi ils me soupçonnèrent de quelque méchanceté, avec ce que je n’avais point de chandelle allumée. Ils fouillèrent dans mes pochettes, où ils trouvèrent mon pistolet qui leur donna une mauvaise opinion tout à fait.

— Vous êtes un coquin, dirent-ils ; vous vous êtes ainsi déguisé pour faire quelque vol ou commettre quelque meurtre. L’on nous a avertis de prendre garde à des gens qui usent du même artifice que vous : vous viendrez tout à cette heure en prison.

Ayant dit cela, ils me prirent tous et me firent marcher vers le Grand Châtelet. Je n’osai pas dire que j’étais Francion, encore que je susse bien qu’ils me laisseraient aller sitôt que je l’aurais dit ; j’aimais mieux sortir de leurs mains par une autre sorte. J’avais mis ma bourse entre ma chair et ma chemise ; cela avait été cause qu’ils ne l’avaient pas encore trouvée, bien que ce soit la première chose qu’ils fassent que de la chercher. Je leur demandai permission de la prendre et leur départis tout ce qui était dedans ; ils me remercièrent de ma libéralité et, sans davantage s’enquérir de mes affaires, consentirent que je m’en allasse où je voudrais.

Je m’avisai qu’il ne serait pas mauvais de m’en retourner chez le pâtissier ; et, quand j’y fus, je repris mes vêtements ordinaires, n’ayant plus de crainte de mes ennemis, qui ne me guettaient plus au passage. Je m’en