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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/373

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incontinent offusqués de sang ; ce qui le mit en telle fougue, qu’il perdit le soin d’obéir davantage à l’éperon et à la bride. Son maître a beau se servir de son industrie, il le mène nonobstant en un lieu plein de fange, où je le poursuivis de si près, que si j’eusse voulu, je l’eusse tué ; mais je ne désirais pas le frapper par derrière. Je lui crie qu’il se retourne. Enfin il a tant de puissance sur son cheval qu’il le fait approcher et en même temps me perce le bras gauche. Incontinent après qu’il m’eut frappé, son cheval le secoua si vivement à l’impourvu qu’il le jeta dans une fosse pleine de boue où, pour me venger de ma plaie, je lui en eusse fait cent autres mortelles si j’en eusse eu le désir. Je me contentai de lui mettre la pointe de mon épée sous la gorge et de lui demander s’il ne confessait pas qu’il ne tenait qu’à moi que je lui ôtasse la vie. Lui, qui ne se pouvait tirer du lieu où il était, fut contraint de m’accorder tout, et puis son ami lui vint aider à se relever.

— Si vous eussiez eu un tel avantage sur moi, que celui que j’ai eu sur vous, je ne sais, lui dis-je, si vous ne vous en fussiez point servi. Mais, enfin que vous ne disiez point maintenant que je ne vous ai pas surmonté, et que vous n’attribuiez point votre fuite à votre cheval, et que notre querelle ne demeure point indécise, recommençons le combat, s’il vous plaît, puisqu’il n’y a que vos habits qui aient reçu du mal en la chute.

— Non, non, me dit le gentilhomme qui nous accompagnait, vous avez assez donné de preuves de votre valeur ; il ne faut point que ceci se termine par le trépas. Il suffit que vous ayez montré, comme j’en suis témoin,