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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/376

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la satire qui eut une extrême curiosité de la voir.

Ces raisons-là furent trouvées si équitables par mon grand monarque, qu’il confessa que le seigneur n’en avait point de se plaindre à moi. Et, de fait, la première fois qu’il le vit, il lui fit savoir ce que je lui avais répondu ; de quoi il fut entièrement satisfait, et me prit en une singulière amitié.

Une autre fois, je fis une réponse au roi qui lui plut infiniment. L’on discourait devant Sa Majesté de la gentillesse, de la courtoisie et de l’humilité. Le roi demanda qui c’était que l’on estimait le plus humble de toute sa cour : un poétastre, qui approchait fort près de sa personne, va nommer un certain seigneur, lequel disait-il, avait des compliments nonpareils dont il se défendait si bien qu’il n’était jamais vaincu en humilité.

— Vous avez raison, dit le roi, je l’ai remarqué bien souvent ; que vous en semble, Francion ?

— Quelle est la personne si hardie, Sire, lui dis-je, qui osât dire qu’elle fait un autre jugement que vous, dont l’esprit égale l’autorité.

— Je connais bien, répondit le roi, que vous n’avez pas un même sentiment que le mien ; je vous donne la permission de le dire.

— Bien donc, Sire, lui répliquai-je. Votre Majesté saura que j’estime celui que l’on vient d’appeler humble le plus orgueilleux de tout le monde ; et voici ma raison : les compliments qu’il fait à ceux qui l’accostent ne procèdent point d’une connaissance qu’il ait de ses imperfections, mais d’un ardent désir qu’il a de paraître bien disant. C’est sa vanité qui le rend dans l’âme or-