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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/377

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gueilleux outre mesure, à cause que sa présomption, étant forcée de se captiver étroitement, se rend plus grande qu’elle ne serait, si elle se manifestait par les discours. Si l’on pouvait lire dans son cœur, l’on verrait bien comment il se moque de ceux au-dessous desquels il s’est abaissé, et de quelles louanges il se persuade que l’on le doit honorer pour son éloquence. Au reste, l’on peut remarquer qu’il ne prise ceux qui devisent avec lui, et ne se déprise aussi, qu’afin de les inviter à lui rendre le change et l’élever jusqu’aux cieux, ce qui le comble d’une joie infinie. Qui est-ce qui pourra nier que ce ne soit orgueil, que cela ?

Il y en eut qui me voulurent répliquer, mais le roi leur ferma la bouche, disant qu’ils parleraient inutilement contre une chose si vraisemblable, et me faisant l’honneur de préférer mes raisons à celles des autres.

Je passai heureusement beaucoup de mois, recevant toujours de lui quelques faveurs, et ne me suis point éloigné si longtemps de sa personne, comme j’ai fait depuis que je suis devenu amoureux de Laurette. Voilà, Monsieur, la partie principale de toutes mes aventures. Je voudrais qu’il me fût possible de savoir les vôtres, sans vous donner la peine de les raconter ; c’est pourquoi je n’ose vous importuner de me les dire.

— C’est une maxime, monsieur, répondit le seigneur bourguignon, qu’il n’arrive de belles aventures qu’aux grands personnages qui, par leur valeur ou par leur esprit, font succéder beaucoup de choses étranges. Les hommes