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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/378

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qui sont du vulgaire, comme moi, n’ont pas cette puissance-là. Il ne m’est jamais rien advenu qui mérite de vous être récité. Assurez-vous-en, et ne croyez pas que je dise ceci pour m’exempter de quelque peine ; car il n’y a rien de si difficile que je n’entreprenne pour vous.

— Je crois qu’il ne vous est rien arrivé d’extraordinaire, puisque vous me le dites, reprit Francion ; mais j’ai opinion que c’est une marque de la félicité que le ciel vous a départie, ne vous envoyant aucunes traverses de même qu’à moi, et un témoignage de votre prudence, qui vous a gardé d’entreprendre beaucoup de choses dangereuses.

Ce discours fini, le seigneur mit Francion sur ses jeunesses, et, lui ayant parlé de Raymond qui lui avait dérobé son argent, lui dit qu’il avait su d’un de ses gens qui il était, et qu’il ne demeurait pas loin de son château, si bien qu’ils le pourraient aller visiter aisément quand ils voudraient.

— Ne me parlez point de lui, répondit Francion. Mon Dieu, je n’ai garde d’aller voir cet homme-là. Puisque, dès sa jeunesse, il s’est accoutumé à dérober ; il est d’un très mauvais naturel ; je n’ai que faire de lui, ni de sa fréquentation.

— C’est moi qui suis Raymond, dit le seigneur en se levant tout en colère ; et, par la Mort, vous vous repentirez de ce que vous avez dit !

Achevant ces paroles, il sortit de la chambre et ferma rudement la porte. Francion, qui ne l’avait point reconnu fut bien marri des propos qu’il lui avait tenus, et s’éton-