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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/379

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na néanmoins comment il se fâchait pour si peu de chose.

Le maître d’hôtel de Raymond vint quelque temps après lui faire apporter son dîner, et lui dit que son maître était tellement en courroux contre lui que, vu son naturel sévère, il devait craindre étant au désuwkt de tout le monde dedans son château, qu’il ne prît une grande vengeance des offenses qu’il lui avait faites.

Francion ne cessa tout du long du jour d’avoir une infinité de pensées là-dessus, et attendait avec grand impatience que l’on lui rapportât quelle résolution Raymond avait prise touchant ce qu’il ferait de lui. Le maître d’hôtel lui promit de lui en dire le lendemain de certaines nouvelles. Il ne manqua donc pas à le venir retrouver, selon qu’il avait promis, et lui assura que son maître avait conçu une plus forte haine contre lui depuis le jour précédent, pour quelque avertissement qu’il avait eu soudain ; de sorte qu’il s’imaginait qu’il avait résolu de le faire mourir. Francion se mit longtemps à songer quelle offense il avait pu faire à Raymond, et, n’en trouvant point, il fut le plus étonné du monde. La plaie de sa tête était entièrement guérie, il n’y avait que son âme qui souffrît du mal. Il se voulait lever pour aller savoir de Raymond quel tort il lui avait fait et pour lui dire que, s’il voulait avoir raison de lui en brave chevalier, il était prêt à sortir à la campagne pour le combattre. Mais ses habillements n’étaient point dans la chambre, et si, l’on lui dit qu’on avait charge d’empêcher qu’il ne sortît. Il fut donc contraint de se tenir encore au lit jusqu’au jour suivant, que le maître d’hôtel vint dès le