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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/382

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— Je ne sais pas comment il veut faire, reprit le maître d’hôtel ; car même à peine ai-je pu savoir ce que je vous ai rapporté fidèlement par une compassion charitable, afin que vous vous prépariez à sortir de ce monde. Au reste, vous ne vous devriez pas gausser comme vous faites, monsieur ; car vous êtes plus proche de votre fin que vous ne pensez.

— Je ne saurais quitter mon humeur ordinaire, quelque malheur qui m’advienne, dit Francion ; et puis je vous assure que je ne redoute point un passage auquel je me suis dès longtemps résolu, puisque tôt ou tard il le faut franchir. Je ne me fâche que de ce que l’on me veut faire mourir en coquin. Si mon roi, par permission divine, sait des nouvelles de cette méchanceté, il ne la laissera pas impunie.

Comme il finissait ce discours, l’on lui mit à l’entour du cou une chaîne de diamants et un chapeau sur sa tête, dont le cordon était encore de pierreries d’une extrême valeur.

— Je pense, dit-il, que l’on veut observer la coutume des anciens Romains qui entouraient de belles guirlandes et d’autres ornements les victimes qu’ils allaient sacrifier : vous m’entourez de riches parures pour me conduire à la mort. Qu’ai-je affaire de tout cet attirail ?

Étant tout accommodé, l’on lui dit qu’il fallait qu’il allât où l’on le mènerait. Il s’y accorda, se délibérant d’empoigner la première chose de défense qu’il trouverait pour résister à ceux qui viendraient pour lui faire quelque mal ; car il n’avait pas envie de se laisser mettre à mort sans donner auparavant beaucoup de témoignages d’une insigne valeur.