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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/384

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y lire ces paroles que l’on y avait écrites en lettres d’or : Que personne ne prenne la hardiesse d’entrer ici, s’il n’a l’âme véritablement généreuse, s’il ne renonce aux opinions du vulgaire, et s’il n’aime les plaisirs de l’amour.

Francion entre, étant bien assuré qu’il lui était permis, et trouve quatre gentilshommes et cinq demoiselles assis sur des chaises en un coin sans remuer non plus que des statues. Enfin une demoiselle ouvre la bouche et lui commande gravement de se reposer sur un placet que l’on lui apporte.

— Hé bien ! mon ami, lui dit-elle, vous avez offensé Raymond, nous sommes ici pour faire votre procès.

— Je désirerais bien, dit Francion, qui s’émerveillait de ces procédures extraordinaires, que l’on m’eût dit quel crime j’ai commis.

— Vous faites semblant de l’ignorer, repartit un des gentilshommes ; l’on ne vous en veut point parler du tout.

Après cela les neuf juges discoururent ensemble, comme pour aviser quelle sentence ils donneraient, et la demoiselle qui avait parlé la première prononça ainsi, s’étant remise en sa place :

— Ayant considéré les offenses que Francion marquis de La Porte, a commises contre Raymond, qui le traitait le mieux qu’il lui était possible, nous ordonnons qu’il sera mis entre les mains de la plus vigoureuse dame de la terre, afin d’être puni comme il le mérite.

Ce jugement prononcé, Laurette sortit d’un cabinet, et l’on donna Francion à sa merci. Jamais homme n’eut plus d’étonnement ; il ne savait s’il devait se réjouir ou