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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/389

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voir celles qui restaient pour savoir à laquelle d’entre eux c’était qu’ils avaient fait tant d’honneur. Ils s’en retournèrent donc sans en avoir rien pu apprendre. Francion retrouvant Collinet demanda à Raymond par quelle aventure il était venu dans son château.

— Ce sont vos gens qui l’ont amené ici du village où vous les aviez laissés et où je les ai envoyés querir, répondit Raymond.

— Si est-ce qu’il ne partit pas de Paris avec moi, répliqua Francion.

Alors ses gens étant venus pour le saluer, il apprit d’eux que ce fou, étant privé de sa vue, qu’il chérissait davantage que celle de Clérante, avait tant fait qu’il avait su le chemin qu’il avait pris en partant de Paris, et l’avait suivi à petites journées, tant qu’il les avait trouvés.

— Je m’en vais vous conter, dit alors Raymond, le tour qu’il a fait ce matin : ayant vu descendre Hélène de carrosse, il s’est mis dedans cette salle, où il a commencé à se promener majestueusement comme s’il eût eu céans bien de l’autorité. Comme Hélène est entrée, il lui a dit en ne faisant que toucher au bord de son chapeau : « Bonjour, bonjour, mademoiselle, que demandez-vous ? » Elle lui a répondu avec humilité qu’elle me demandait et, suivant sa prière s’est assise auprès de lui dans une chaise. Leurs discours ont été des choses communes, où Collinet n’a point témoigné qu’il manque de jugement ; il s’est enquis de quel lieu venait Hélène, de quel pays elle était, si elle était mariée, et combien sa maison avait de revenu, avec une gravité si grande,