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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/390

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qu’Hélène, le voyant bien vêtu comme il est, le prenait pour quelque grand personnage, n’osait seulement lever les yeux pour le regarder. Il n’a pas pu se tenir si longtemps dans les termes de la modestie et de la raison ; il a fallu qu’il ait montré son naturel. « Vous venez donc voir Raymond ! lui a-t-il dit, j’en suis bien aise : c’est le meilleur cousin germain que j’aie ; il me fit hier au soir souper dès que je fus arrivé, et me fit manger de la meilleure soupe aux pois verts que je mangeai de ma vie. — Jésus ! monsieur, lui a répondu Hélène, vous êtes trop généreux pour ne chérir vos parents qu’à cause qu’ils vous font manger de la soupe ! — Parlons d’autre chose, mademoiselle, a-t-il répliqué. Aimez-vous bien à être culbutée ! car, foi de prince, vous le serez tout maintenant. — Ha ! que vous êtes incivil ! ç’a-t-elle dit, je ne l’eusse jamais jugé. — Comment ! vous vous voudriez faire tenir à quatre[1] ? C’est bien envers moi qu’il faut être farouche ! » a-t-il reprit. Là-dessus il la voulut prendre pour exécuter son dessein, et elle a commencé à crier si haut, que je suis descendu de ma chambre pour venir à son secours. Elle m’a demandé si je l’avais envoyé querir pour la faire traiter comme une femme la plus débauchée du monde ; et je l’ai rapaisée, en lui disant quel homme est le seigneur Collinet. Ne vous souciez point toutefois, brave marquis : elle ne sera pas tantôt si rebelle à nos caresses, ni toutes ses compagnes non plus ; car pourvu que l’on y aille d’honnête sorte, l’on les trouvera toujours de bonne composition. Laissez-moi faire, j’ai envie de vous récompenser au centuple de l’argent que je vous ai pris autrefois.

  1. ndws : se faite prier avec bien de l’instance, cf. Oudin, op. cit., p. 528.