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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/392

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fut incontinent chargée de tant de diverses sortes de viandes d’animaux, qu’il semblait que l’on eût pris tous ceux de la terre pour les manger là en un jour. Quand l’on eut étourdi la plus grosse faim, Raymond dit à chacun qu’il fallait observer les lois qui étaient à l’entrée de la porte, chasser loin toute sorte de honte et se résoudre à faire la débauche la plus grande dont il eût jamais été parlé. L’on ferma tous les volets des fenêtres et l’on alluma les flambeaux parce qu’ils n’eussent pas pris tant de plaisir à mener une telle vie s’ils eussent vu le jour. Chacun dit sa chanson le verre à la main, et l’on conta tant de sornettes qu’il en faudrait faire un volume à part si l’on les voulait raconter. Les femmes, ayant perdu leur pudeur, dirent les meilleurs contes qui leur vinrent à la bouche.

Un gentilhomme, sur quelque propos, dit qu’il voulait conter la plus drôlesse d’aventure du monde, et commença ainsi :

— Il y avait un curé, en notre village, qui aimait autant la compagnie d’une femme que celle de son bréviaire.

— Je vous supplie, monsieur de ne point achever, dit alors Raymond. Il ne faut point parler de ces gens-là : s’ils pèchent, c’est à leur évêque à les en reprendre, non pas à nous. Si vous en médisez, vous seriez excommunié et banni d’un lieu où vous ne vous souciez guère d’y entrer. Ne soyez plus si osé que de retomber sur ce sujet.

Le gentilhomme s’étant tu, et toute la compagnie ayant trouvé la défense de parler des prêtres faite fort à propos vu que l’on a déjà tant parlé d’eux que l’on n’en