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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/393

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saurait plus dire que l’on en a dit, se délibéra de ne pas songer seulement qu’il y en eût au monde : aussi bien y a-t-il assez d’autres conditions à reprendre d’où procède la dépravation du siècle. L’on entama donc des discours sur une autre matière.

Un certain seigneur, qui était à côté de Francion, lui dit tout bas en lui montrant Agathe qui était assise au bout de la table :

— Monsieur, ne savez-vous pas la raison pourquoi Raymond à fait mettre ici cette vieille qui semble être une pièce antique de cabinet ? Il veut que nous nous adonnions à toutes sortes de voluptés, et cependant il nous dégoûte de celle de l’amour plutôt que de nous y attirer ; car il nous met devant les yeux ce corps horrible qui ne fait naître en nous que de l’effroi. Il est bien certain que voici d’autres dames belles outre mesure, qui sont d’ailleurs assez capables de nous donner du plaisir à suffisance ; mais toujours en devrait-il pas mêler cette sibylle Cumée avec elles.

— Sachez, monsieur, lui répondit Francion, que Raymond a un trop bel esprit pour faire quelque chose autrement que bien à propos ; il nous invite par cet objet, à nous adonner à tous les plaisirs du monde. N’avez-vous pas ouï dire que les Égyptiens mettaient autrefois en leurs festins une carcasse de mort sur la table, afin que, songeant que possible le lendemain ne seraient-ils plus en vie, ils s’efforçassent d’employer leur temps le mieux qu’il leur serait possible ? Par cet objet, Raymond nous veut prudemment avertir de la même chose, entre autres ces belles dames, afin qu’elles se don-