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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/395

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Toujours la belle Diane, la parfaite Flore, l’attrayante Belize, la gentille Janthe, l’incomparable Pasithée et une infinité d’autres se viennent représenter à mon imagination, avec tous les appas qu’elles possèdent et ceux encore que possible ne possèdent-elles pas.

— Si l’on vous enfermait pourtant dans une chambre avec toutes ces dames-là, dit Raymond, ce serait par aventure, tout ce que vous pourriez faire que d’en contenter une.

— Je vous l’avoue, reprit Francion ; mais je voudrais jouir aujourd’hui de l’une, et demain de l’autre. Que si elles ne se trouvaient satisfaites de mes efforts, elles chercheraient, si bon leur semblait, quelqu’un qui aidât à assouvir leurs appétits.

Agathe, étant derrière lui, écoutait ce discours, et, en l’interrompant lui dit :

— Ah ! mon enfant, que vous êtes d’une bonne et louable humeur ! Je vois bien que, si tout le monde vous ressemblait, l’on ne saurait ce que c’est que de mariage, et l’on n’en observerait jamais la loi.

— Vous dites vrai, répondit Francion, aussi n’y a-t-il rien qui nous apporte tant de maux que ce fâcheux lien, et l’honneur, ce cruel tyran de nos désirs. Si nous prenons une belle femme, elle est caressée de chacun, sans que nous le puissions empêcher. Le vulgaire qui est infiniment soupçonneux, et qui s’attache aux moindres apparences, vous tiendra pour un cocu, encore qu’elle soit femme de bien, et vous fera mille injures ; car s’il voit quelqu’un parler à elle dans une rue, il croit qu’il prend bien une autre licence dedans une maison. Si,