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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/398

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là donné assignation[1] à leurs serviteurs comme en un lieu le plus convenable qu’ils pussent élire, et où ils n’étaient point aux dangers qu’elles craignaient dedans leurs maisons.

Raymond, qui désirait que le logis fût entièrement consacré à l’amour, avait commandé que l’on laissât ouvertes force chambres bien tapissées, pour servir de refuge aux amoureux ; elles ne manquèrent pas d’être habitées, je vous en réponds. Les six chevaliers et leurs six dames ne bougèrent de la salle, ayant assez de loisir de prendre leurs ébats ensemble en une autre heure. Ils cherchaient chacun leur aventure d’un côté et d’autre, en folâtrant avec un nombre infini de plaisirs.

Francion manie en tous endroits toutes les femmes qu’il trouve. Il prend une des six du château qui s’appelait Thérèse et, l’ayant renversée sur une longue-forme[2] au-dessus de laquelle il y avait un flambeau, il lui trousse la cotte par derrière et lui baille sur les fesses, où il y avait une petite marque noire, qu’il n’eut pas sitôt aperçu qu’il lui dit :

— Ha, ha ! Thérèse, vous avez bien fait la dissimulée. C’est donc vous que nous avons trouvée, ce matin, toute nue ! Votre signe me l’a fait connaître.

Incontinent il alla dire à tout le monde de quelle façon il avait appris où étaient les fesses à qui l’on avait rendu hommage, et chacun en rit à bon escient. Thérèse, qui ne se fâchait de rien, dit avec une humeur qui appartenait bien au lieu où elle était :

— Hé bien ! Vous avez vu mes fesses ; qu’en est-il ? Les voulez-vous voir encore ? Je ne serai pas chiche

  1. ndws : rendez-vous, cf. Huguet, op. cit., p. 21.
  2. ndws : sièges qui vont dans le chœur des églises pour asseoir les prêtres, cf. éd. Roy, t. II, p. 22.