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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/399

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de vous les montrer. Qui est-ce qui est le plus digne d’être moqué, de vous ou de moi ? Je les ai tantôt montrées par force, et vous les avez baisées de votre bon gré.

Ce discours étant quitté, Raymond, qui se plaisait fort au combat du verre, fit apporter des meilleurs vins au monde, pour s’égayer avec quelques bons compagnons qui l’avaient défié.

— Il n’est rien de pareil à ce breuvage, dit-il. Il emplit d’une certaine divinité ceux qui l’avaient ; il fait perdre les impressions craintives que l’erreur et la sottise nous avaient données, et rend les courages les plus timides très hardis. C’est par son moyen qu’un orateur ne craint point de dire en ses harangues beaucoup de choses piquantes, et qu’un amant découvre son mal avec hardiesse à celle qui l’a causé. Les victoires des combats s’acquièrent ordinairement de ceux que se sont rendus vaillants par son moyen. Buvons, buvons éternellement, et souhaitons de mourir comme George, comte de Clarence, qui, se voyant contraint, par le jugement du roi d’Angleterre de quitter la vie, se fit mettre dans un tonneau plein de vin, dont il but tant qu’il en creva ! Venez, Francion : à cettui-ci !

— Je n’en ferai rien, répondit-il, j’aime mieux user mes forces en me jouant avec Laurette qu’en me jouant avec Bacchus. Si j’en prenais trop, tout mon corps serait brutalement assoupi, et ne pourrait plus prendre avec les femmes qu’un plaisir lent et, j’ose bien dire douloureux.

— Ho bien ! dit Raymond, chacun est libre ici ; suivez la volupté qui vous est la plus agréable.

Alors il vint des musiciens qui chantèrent beaucoup