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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/404

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s’il avait parlé de bras, de pieds, de cuisses et de manger. Néanmoins les esprits idiots sont émus à rire, dès qu’ils les entendent, et le bouffon d’une comédie aurait beau avoir des traits nonpareils, il serait estimé ignorant de son art, s’il n’avait toujours de tels mots. Je désirerais que des hommes comme nous, parlassent d’une autre façon pour se rendre différent du vulgaire, et qu’ils inventassent quelques noms mignards pour donner aux choses dont ils se plaisent si souvent à discourir.

— Ma foi, vous avez bonne raison, dit Raymond ; ne le faisons nous pas tout de même que les paysans ? Pourquoi aurons nous d’autres termes qu’eux ?

— Vous vous trompez, Raymond, reprit Francion, nous le faisons bien en une autre manière. Nous usons bien de plus de caresses qu’eux, qui n’ont point d’autre envie que de soûler leur appétit stupide, qui ne diffère en rien de celui des brutes : ils ne le font que du corps et nous le faisons du corps et de l’âme tout ensemble, puisque faire y a. Écoutez comment je philosophe sur ce point. Toutes les postures et toutes les caresses ne servent de rien, me direz-vous : nous mettons tous à la fin nos chevilles dans le même trou. Je vous l’avoue, car il n’est rien de si véritable. J’ai donc gagné, me répliquerez-vous, car par conséquent il nous faut parler de même qu’eux de cette chose-là. Voici ce que je vous dis là-dessus : Puisque les mêmes parties de notre corps que celles du leur se joignent ensemble, nous devons remuer la langue, ouvrir la bouche et desserrer les dents comme eux, quand nous en voudrons discourir. Mais, tout