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Page:Sorel - L’Histoire comique de Francion, 1925.djvu/405

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comme en leur copulation, qu’ils font de même façon que nous, ils n’apportent pas néanmoins les mêmes mignardises et les mêmes transports d’esprit ; ainsi en discourant de ce jeu-là, bien que notre corps fasse la même action qu’eux, pour parler notre esprit doit faire paraître sa gentillesse, et nous faut avoir des termes autres que les leurs. De cela, l’on peut apprendre aussi que nous avons quelque chose de divin et de céleste, mais que, quant à eux, ils sont tous terrestres et brutaux.

Chacun admira le bel et subtil argument de Francion, qui sans raillerie n’a guère son pareil au monde, n’en déplaise à tous les logiciens, dont les esprits sont couverts de ténèbres au prix de celui dont il était doué. Les femmes principalement approuvèrent ses raisons, parce qu’elles eussent été bien aises qu’il y eût eu des mots nouveaux pour exprimer les choses qu’elles aimaient le mieux, afin que, laissant les anciens, qui, suivant les fantaisies du commun, ne sont pas honnêtes en leur bouche, elles parlassent librement de tout sans crainte d’en être blâmées, vu que la malice du monde n’aurait pas sitôt rendu ce langage odieux.

Francion fut donc supplié de donner des noms de son invention à toutes les choses qu’il ne trouverait pas bien nommées ; et l’on lui dit, pour l’y convier, que cela ferait bruire son nom par toute la France encore davantage qu’il ne faisait, à cause que chacun serait fort aise de savoir l’auteur de telles nouveautés, dont l’on ne parlerait jamais sans parler de lui. Francion s’en excusa pour l’heure, et assura qu’en quelque grande assemblée de braves qu’il ferait, il serait entièrement résolu de cela.